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02/05/2011

Cauchemar d'une nuit d'été

 

 

 

Par une nuit chaude d’août, M. (Denis Lavant), se retrouve sur un quai obscur, dans une rue qu’il ne connaît pas. Il a oublié ce qu’il y faisait, et jusqu’à son nom. Marius von Mayenburg décrit son cauchemar.

Les êtres qu’il rencontre sont affamés et dangereux. Ils se ressemblent tous. Et M. n’a d’autre solution que de les poignarder les uns après les autres. Mais telles les têtes de l’hydre, ils reparaissent et l’agressent. Figures masculines (Frédéric Cherboeuf), figures féminines (Gretel Delattre), policier, patient, docteur, nymphomane, avocat, infirmière, bourreau ou victime, la même violence les habite. théâtre du rond-point,denis lavant,von mayenburg

Jacques Osinski voit Le Chien, la nuit et le couteau  comme une suite du Moche. Et en effet on y retrouve les mêmes obsessions. Le décor s’ouvre sur une rue sombre, et en fond de la scène apparaissent une alcôve, une cellule de prison, un hall d’hôpital, espaces clos et menaçants alors que M. est en quête d’apaisement et de sécurité. Pour inquiéter encore, un rideau de tulle noir voile l’espace entre le spectateur et les protagonistes. Au loin rôdent les loups, que les chiens ont rejoints. Et les humains deviennent des loups entre eux.

Effrayant cheminement pour ce M. solitaire, devenu meurtrier comme dans M. le maudit, accusé comme dans Kafka, traqué comme dans Woyzeck !

Au bout de la nuit cependant, quand le jour se lève, les ombres terribles s’effacent. L’amour naît. Est-ce ainsi que les grands enfants que sont les hommes explorent leurs peurs archaïques ?

 

 

photo : Pierre Grosbois

 

Le Chien, la Nuit et le Couteau de Marius von Mayenburg.

Théâtre du Rond-Point à 21 h

Jusqu’au 22 mai

01 44 95 98 21

06/03/2011

Toutes des p… même Maman !

 

 C’est une famille moderne. Dans la grande pièce à vivre (scénographie de Damien Caille-Péret),   le père, Alban (Jacques Bonnafé), bien calé dans le long canapé, tapote sur son ordinateur portable posé sur la table basse. Un vélo d’appartement, sur le côté, laisse supposer que dans ce monde avachi, on fait quelquefois un peu d’exercice. On sonne, le fils va ouvrir. C’est la mère, Annie (Emmanuelle Devos). Elle leur a donné rendez-vous afin de leur expliquer pourquoi elle les quitte. Mari qu'elle n'aime plus assez, et enfants, Julie, pas encore dix-huit ans (Anaïs Demoustier), Adam (Alexandre Lecroc), presque vingt-cinq ans, n'ont plus besoin d'elle. Un autre homme est entré dans sa vie. Elle les a avertis par une lettre. Mais ce soir, on cause.

En une heure, toute la famille va exposer les doutes et les incertitudes du cœur qui rongent les plus belles amours et sapent les fondements bien assurés d’un couple. En une heure, on va régler les comptes et le problème. Un problème ? « Y en a pas ! » Et Arnaud Meunier le metteur en scène dirige le quatuor sans faiblir.

Ah ! Les temps ont bien changé ! Autrefois, les femmes n’abandonnaient ni mari, ni enfants pour suivre leur passion, elles savaient se sacrifier et même lorsque l’amour avait disparu, elles restaient « au foyer ». Aujourd’hui, elles obéissent à leurs « envies », à leur « désir », et  elles désertent ! Toutes des p… même Maman !

Si vous pensez que cette attitude, est « le stade terminal de l’égoïsme », c’est que vous n’avez pas su évoluer avec votre époque. François Bégaudeau parle au nom de la modernité et de l’égalité des sexes. Pas d’injustice… Les femmes ont le droit de jouir sans entrave. Le conjoint délaissé est malheureux ? Le fils désemparé ? Heureusement, la fille, sans complexe, trouve tout normal, et prépare une salade-repas pour ceux qui restent, uniquement préoccupée de son devoir de philo, « la conscience est-elle compatible avec le bonheur ? ». Et son frère le thésard n'a plus qu'à enterrer ses principes vertueux.

La conscience ? Tu parles ! Succéder à la mère, prendre sa place dans le cercle familial n’est-ce pas dans l’ordre des choses ? Le bonheur ? Peut-être s’apercevra-ton simplement de son départ au bruit de la porte que la mère referme derrière elle...

Mais non… Tout se fait sans bruit, sans larmes (ou presque), sans éclat. On sait contenir ses émotions. Et on passe à table…

Car il faut manger pour vivre.C'est ça « la question essentielle ».

 

 

Le Problème de François Bégaudeau

Théâtre du Rond-Point

Jusqu’au 3 avril, 21 h

01 44 95 98 21

ensuite au Théâtre Marigny jusqu'au 15 mai.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

16/01/2011

La traversée du mal


Quel bon père de famille (Jean-Jacques Moreau) ! Comme il est attentionné avec sa femme (Judith Magre), combien il s’inquiète de sa fille barricadée dans la cave !  Il a bien le regard un peu torve quand il en parle, mais comment le soupçonner de séquestrer l’adolescente ? Évidemment, quand on apprend qu’elle a dix-sept ans, qu’elle est muette, qu’elle ne sort jamais, mais qu’elle allaite un nouveau-né dont on ne connaît pas le père, on a des doutes…

Mais on n’ose pas y croire…

Alors Le Loup (Pierre Notte) entre, et accuse. Il est outré qu’on ose prétendre que « l’homme est un loup pour l’homme ». Il a des principes et une morale : « Il arrive qu’un loup soit un homme pour les louves », mais, lui ne ferait pas « ça » à ses filles ! Et la mère ferme les yeux pour ne pas voir, se bouche les oreilles et chante pour ne pas entendre ce qui se passe quand le père descend à la cave…

Inspiré par l’affaire Josef Fritzl* Et l’enfant sur le loup est un conte cruel écrit par Pierre Notte pour la scène. Patrice Kerbrat le met en scène comme un théâtre de tréteaux. qui aurait intégré le conteur brechtien. Le loup, vêtu d’un  manteau de fourrure et coiffé d’un haut de forme, tourne autour d’une estrade où est juchée une « roulotte » aux murs fleuris. Il commente, il explique, il juge. Rien n’est montré du crime, mais une lueur aveuglante  surgit d’une trappe que le père ouvre, et on est saisit d’effroi.

La situation bascule quand il nous annonce que sa fille s’est enfuie avec l’enfant. Nous ne la verrons jamais. Le loup raconte que « l’enfant grandit », qu’il « marche longtemps ». Et soudain, il est là, un bel adolescent (Julien Alluguette) qui regarde le loup sans trembler et qui refuse de « se laisser intimider par des contes pour enfant ».

Le loup ne dévore pas l’enfant, il a trop d’humanité en lui. L’enfant, lui ne connaît que la violence et la faim. Dans sa traversée du mal, il n’a pas appris la pitié qui est "une affaire d'éducation". Il se jette sur lui. Le loup est donc  « nettoyé, vidé de sa chair », et tel un Christ en croix accepte le sacrifice. L’enfant ne s’arrêtera pas là dans sa vengeance.

Il n’est ici question ni de rédemption, ni de pardon. Mais de montrer les monstres et de dire au public : « et vous ? ».

Pierre Notte, comme un fauve, jette une prose sauvage, chante aussi, et se meut, tout en nerfs, écorché par une sensibilité ardente qu’il transmet à Julien Alluguette. Judith Magre et Jean-Jacques Moreau, prennent la pesanteur de ceux que le crime englue. Tout transpire l’angoisse et l’épouvante dans un cadre où l’harmonie des couleurs, l’élégance du kimono de la mère, les gestes tendres du Père, la distinction du loup, la jeunesse de l’enfant devraient rassurer.

Le spectateur sort troublé, réfléchira-t-il au monstre qui sommeille en lui ? Ouvrira-t-il les yeux sur les asservissements qu’il protège par son silence ?

 

 

 

 

 

* Elisabeth Fritzl, a été séquestrée par son père, Josef Fritzl, pendant 24 ans à Amstetten en Autriche. Violée depuis l’âge de 11 ans, elle a eu sept enfants. Sa mère « n’a jamais soupçonné son époux » (les journaux).

 

 

Et l’enfant sur le loup de Pierre Notte

Théâtre du Rond-Point,  21 h

01 44 95 98 21